Des .EU si longtemps désirés
La cour d’appel de Bruxelles vient de donner gain de cause à l’Eurid (Registre des noms de domaine en .eu) pour avoir bloqué les dépôts massifs effectués par une particulière chinoise. Conséquence, des .eu demandés prioritairement il y a cinq ans vont enfin pouvoir être récupérés par des demandeurs légitimes. La vie des noms de domaine a son rythme, la justice le sien. Petit rappel historique.
Fin 2005, l’extension officielle de l’Union européenne se lance enfin, après plusieurs années de discussions. Afin de préserver les droits des titulaires de marques, les ayants droit ont la priorité pour déposer leurs noms de domaine en .eu (Sunrise Period).
60 % des .eu prioritaires non obtenus
Une initiative louable, mais dont les résultats vont être rapidement décevants. Parmi les presque 350 000 demandes d’enregistrements prioritaires, seules 40 % sont acceptées par l’agent de validation (voir les statistiques complètes de l’Eurid).
Le marché des noms de domaine n’est pas encore aussi expérimenté qu’aujourdhui et les sociétés sont peu au fait des règles strictes de l’attribution des .eu durant la Sunrise Period. Elles sont nombreuses à commander leurs .eu sans retourner les justificatifs prouvant leurs droits dans les délais impartis (quarante jours). Ainsi, 29 % des demandes prioritaires ont un statut expiré ! Bureaux d’enregistrement, titulaires de marques, agent de validation et registre se renvoient la balle pour expliquer l’échec de cette Sunrise Period.
Et ceux qui retournent leurs documents n’ont pas tous un dossier conforme à la demande initiale soumise. Conséquence, 23 % des demandes sont refusées ! Ces dossiers éconduits ou expirés sont tout d’abord bloqués par le registre puis remis à disposition du premier arrivé, premier servi en juin 2006, sept mois après l’ouverture de la Sunrise Period.
Revendre les noms débloqués
Une titulaire va flairer le filon. Elle va déposer plus de 10 000 noms de domaine à nouveau disponibles avec une logique économique astucieuse : si la société X a souhaité déposer ce nom de domaine mais a raté sa Sunrise Period, elle va acheter le nom de domaine bloqué une fois libre et essayer de le revendre plus cher à la société X qui le désirait. Elle propose le rachat des noms entre 500 et 1 500 euros, juste en dessous du tarif des procédures alternatives de résolution de litiges qui sont uniquement à la charge du requérant.
Le caractère massif de ces enregistrements ne passe pas inaperçu. L’Eurid reçoit de nombreuses plaintes et bloque les noms déposés par cette ressortissante chinoise (lire La chinoise aux .eu). Fin septembre 2010, la cour d’appel de Bruxelles confirme qu’elle a agit de mauvaise foi dans le but de revendre ces domaines.
Une attente bien méritée
L’Eurid attend de savoir si la jeune femme va se pourvoir en cassation. Une fois que la décision judiciaire sera définitive, les noms de domaine en .eu seront supprimés par le registre. Les sociétés lésées par leur Sunrise Period ratée pourront enfin obtenir leur .eu… cinq ans après ! De nombreuses autres périodes d’enregistrements prioritaires ont eu lieu depuis 2005 (.asia, .mobi, .tel, .me, .co…) avec des procédures plus souples, sans justificatifs à retourner, par exemple. Espérons que les futures entreprises seront toujours intéressées par ces .eu et, surtout, qu’un autre matois ne s’amuse pas à redéposer massivement cette série à nouveau disponible !