Conférence "Les nouvelles technologies au service du droit des marques"

Cette conférence était présidée et modérée par Cédric Manara, Professeur associé, LegalEDHEC Research Center.

 

Premier thème : L’aide technique au dépôt d’une marque nouvelle

  • Les logiciels de création automatique de marques verbales Intervenant : Delphine Parlier, fondatrice de Timbuktoo-Naming et créatrice du logiciel ABC Naming

Second thème : L’aide technique à la défense de la marque L’aide technique contre la contrefaçon, focus sur la jurisprudence relative à l’usage illicite de marques via Adwords

Intervenants : David Lefranc, Avocat, Docteur en droit, Spécialiste en droit de la propriété intellectuelle, droit des nouvelles technologies, de l'informatique et de la communication, Cabinet Laropoin et chargé d’enseignement à l’EDHEC Stéphanie Lacroix, Account Manager Keep Alert, plateforme surveillance de marques sur internet dont les régies publicitaires L’aide technique à la défense de l’image de marque Intervenants : Cédric Manara, Professeur associé, LegalEDHEC Research Center. Emmanuel de Saint-Bon, Directeur général, Roxane Company, agence spécialisée sur les réseaux sociaux Christophe Roquilly, Professeur et Directeur du LegalEDHEC Research Center fera la synthèse des échanges de l'après-midi. Contexte : La propriété intellectuelle développe un rapport évident à la technologie. D’ailleurs, le droit des brevets d’invention se confond avec la technologie elle-même. La technologie est alors l’objet immédiat de la propriété intellectuelle. L’observation est convenue. Il est plus inattendu de s’interroger sur les technologies induites par les règles de droit, c’est-à-dire l’hypothèse où le respect de la législation implique pour les entreprises de créer de nouvelles technologies. Dans ce cas, le législateur incite à l’innovation et crée de nouveaux marchés, consciemment ou pas. Mais, le plus souvent, le désir d’assurer l’effectivité de la législation n’explique pas à lui seul l’émergence des ces technologies. Celles-ci se développent surtout en réponse aux évolutions de la société ou simplement parce que le progrès technique rend possibles des prestations jusqu’alors impossibles. On trouve en droit d’auteur une illustration tout à fait marquante. La généralisation du téléchargement illégal a exigé des acteurs qu’ils développent des réponses techniques à ce phénomène de masse. À défaut d’innover, la propriété intellectuelle des industriels de la culture serait devenue totalement théorique. Le législateur est finalement intervenu pour protéger les dispositifs de limitation de copie. Le droit des marques fournit quant à lui un terreau extrêmement fertile pour les nouvelles technologies. De la création (1) à la protection des marques (2), l’effectivité du Code de la propriété intellectuelle est de plus en plus dépendante de logiciels et bases de données divers et variés. 1/ Dépôt et nouvelles technologies Lors du dépôt d’une marque nouvelle, l’entreprise est d’abord confrontée à un phénomène redoutable : la saturation des registres de marques. Il est en effet de plus en plus difficile de trouver un nom qui soit totalement disponible, c’est-à-dire à la fois comme marque mais aussi (et surtout) comme nom de domaine. Or le Code de la propriété intellectuelle fait de la disponibilité de la marque une condition expresse de sa validité, sous peine de rejet initial de la demande d’enregistrement frappée d’opposition ou d’annulation ultérieure de l’enregistrement. Aujourd’hui, une nouvelle profession est née : le cabinet de naming, c’est-à-dire un spécialiste de la création de marques sous toutes leurs facettes (linguistique, marketing, juridique, visuelle, etc.). Si l’encombrement des registres explique pour une large part le développement de ce nouveau métier, le désintérêt de nombreuses agences de conseil en communication pour le droit fournit une explication complémentaire au phénomène. Les cabinets de naming développent ou utilisent des technologies permettant de créer des marques jouissant d’une forte probabilité de survie. Il existe désormais des logiciels de création automatique de noms qui fonctionnent un peu sur le mode d’un jeu de construction où les briques viendraient du monde entier. Bien entendu, la vérification de la disponibilité juridique des noms ainsi créés repose sur l’usage de bases de données pléthoriques couplées à des outils de recherche minutieux. 2/ Protection et nouvelles technologies Le Code de la propriété intellectuelle regorge de sanctions à l’encontre des propriétaires de marque qui se montreraient négligent dans la gestion de leur capital immatériel. C’est la déchéance pour défaut d’exploitation de la marque. C’est aussi la dégénérescence de la marque devenue un mot commun pour le grand public. C’est encore la forclusion par tolérance qui interdit à jamais au propriétaire négligent de dénoncer la contrefaçon de sa marque, au terme d’un mécanisme aux effets plus dévastateurs que la traditionnelle prescription extinctive du droit civil également applicable en matière de propriété intellectuelle. Il faut en déduire que le propriétaire d’une marque a l’obligation stricte de gérer et défendre sa marque, sauf à prendre le risque de la perdre en tout ou partie. Cette obligation de défense débouche sur la nécessité de surveiller sa marque. On connaît la solution classique de la surveillance automatique des publications de demandes d’enregistrement de marques auprès des offices de délivrance des titres. Mais le déploiement d’internet rend cette mesure insuffisante. Des professionnels ont développé des logiciels de surveillance du web au service des propriétaires de marques. Ainsi peut-on être averti lorsqu’un concurrent envisage d’exploiter son activité sous un nom similaire. D’autres solutions de surveillance permettent aussi de lutter contre les actes déloyaux, comme l’usage de la marque d’autrui à titre de mot-clé dans une régie publicitaire en ligne. Enfin, les grands comptes sont tout à fait sensibles à un autre aspect du droit des marques qui est, fonction de sa nature commerciale, une discipline juridique ouvertement inégalitaire. Les marques renommées jouissent en effet d’une protection plus étendue que les marques non renommées. Or, s’il est déjà difficile de justifier de la renommée d’une marque, il est encore plus difficile de maintenir une telle renommée, c’est-à-dire de défendre son image de marque. Là encore, les nouvelles technologies permettent la mise en place d’une analyse des commentaires dont la marque fait l’objet. L’avènement du « big data » permet désormais de prendre le pouls de l’opinion exprimée sur internet.