Les .FR interdits et réservés débloqués
Le 1er juillet 2011, les principaux changements de la loi du 22 mars 2011 modifiant le cadre législatif des noms de domaines en France vont entrer en vigueur. Une des modifications majeures concerne l’accès des termes précédemment interdits et réservés comme ceux des 36 000 communes françaises. Concrètement, qui va pouvoir prétendre à campagne.fr, job.fr, louer.fr, mer.fr, poison.fr ou saint-emilion.fr ?
Les noms de domaine actuellement bloqués sont constitués de plusieurs centaines de termes fondamentaux interdits. Les .FR correspondants à des crimes, infractions, libertés, organismes internationaux et internet, pays, professions réglementées, protocoles internet, mots de la santé, des structures, valeurs, « gtld » ou termes étatiques sont inaccessibles à l’enregistrement (liste non exhaustive disponible ici).
Les noms des communes françaises débloqués
D’autres noms de domaine en .FR sont réservés aux 36 682 communes françaises. Les villes sont les seules entités à pouvoir enregistrer leur nom sous leur forme canonique avant la transformation programmée au 1er juillet 2011.
Une étude réalisée par ProDomaines.info a constaté que presque 72 % des noms de domaine n’ont pas été déposés par les mairies. Les 28 % de noms de domaine enregistrés le sont principalement par les mairies même si de précédents changements de chartes ont entrainé des dépôts par des tiers (lire notre article à sujet).
L’accessibilité à ces .FR débloqués ne se fera cependant pas à la hussarde. L’Association française pour le nommage internet en coopération (Afnic) attend la parution d’un décret qui passe devant le Conseil d'Etat le 21 juin et dont la publication doit intervenir avant le 30 juin 2011.
Un décret pour définir l’intérêt légitime
Ce décret donnera la définition de deux notions clés : intérêt légitime et mauvaise foi. Ces éléments seront étudiés pour l’attribution de ces .FR précédemment bloqués. Dans un forum organisé à ce sujet, l’Afnic a précise « qu’un intérêt légitime peut être un droit (raison sociale, marque, nom patronymique) mais également un intérêt plus personnel (site, services etc..) ».
Techniquement, les demandes pour ces .FR particuliers se feront auprès des bureaux d'enregistrement (« registrar ») qui demanderont un code d'autorisation auprès de l'Afnic via un formulaire en ligne dans leur extranet. D’après l’Afnic, « ce formulaire sera assez simple mais suffisamment étayé par des informations susceptibles de permettre l'attribution sans demander de pièces complémentaires, ni signature. Le bureau d'enregistrement disposera d'un délai pour fournir les pièces complémentaires nécessaires. Le site de l'Afnic proposera un tableau avec l’état des demandes. Une fois le code d'autorisation obtenu par le bureau d'enregistrement, ce dernier devra l'utiliser dans les 15 jours ; à défaut, la demande sera abandonnée et l'Afnic étudiera la demande suivante en attente sur le même terme ». L'attribution du code d'autorisation se fera sur la base du « premier arrivé, premier servi ».
Came, esclave, gangster, poison, satan, stups sont des marques
Parmi les termes fondamentaux interdits, il existe de nombreuses marques déposées à l’INPI (Institut national de la propriété industrielle) comme came, college, esclave, gangster, satan, ou stups. Concrètement, Dior, titulaire de la marque Poison pour l’un de ses parfums, devrait pouvoir prétendre à l’obtention de poison.fr auparavant bloqué. Les sociétés ont intérêt à étudier cette liste pour vérifier si elles ne peuvent pas accéder à des .FR sur lesquelles elles ont un potentiel intérêt légitime.
Des perles parmi les 26 000 noms de villes débloqués
L’autre grande catégorie de noms de domaine intéressants concerne ceux des communes. Plus de 26 000 encore libres vont être déposables. Si le prénom est retenu comme un intérêt légitime dans le décret à paraitre, les alan.fr, alix.fr, alex.fr, angy.fr, aron.fr, germaine.fr, pierric.fr ou suzette.fr risquent d’être demandés. Des patronymes célèbres et / ou répandus correspondants à des mairies vont aussi être remis à disposition comme allegre.fr, baffie.fr, barthes.fr, canteloup.fr, castelbajac.fr, chirac.fr, gignac.fr, lavoine.fr…
Plusieurs centaines de noms de communes encore libres peuvent être envisagées avec d’autres usages. Je ne peux pas vous les lister exhaustivement dans ces colonnes (disponible par simple demande email à l’auteur) mais la richesse des noms des communes françaises est impressionnante.
Un site d’information ou de services peut-il être un intérêt légitime ?
Si le décret entérine qu’un intérêt légitime accepte qu’une entité crée un site sur un sujet précis, la concurrence risque d’être exacerbée pour des noms premiums comme bar.fr, bouteille.fr, campagne.fr, cerise.fr, corps.fr, cultures.fr, job.fr, linge.fr, louer.fr, mer.fr, palais.fr, piano.fr… Un spécialiste des noms de domaine attend avec impatience de voir l’utilisation de bellebrune.fr.
L’Afnic met en garde contre une éventuelle spéculation autour de ces noms. S’il y a une revente (opération de transmission volontaire), l'Afnic devra « l’autoriser dans les mêmes conditions que la création d'origine compte tenu du statut réservé du nom ; le nouveau demandeur devra justifier des mêmes critères ».
Ultime ligne droite pour les communes
Les communes ont jusqu’au 30 juin 2011 pour déposer leurs noms réservés dont certains ont une valeur économique forte. La définition de l’intérêt légitime par le décret sera étudiée avec attention.
Est-ce que producteur de vin de Saint-Émilion pourra déposer saint-emilion.fr encore libre ? Est-ce que la marque de luxe Longchamp pourra prétendre au dépôt de la variante typographique longchamps.fr ? Est-ce que La Poste pourra effectuer un dépôt préventif sur arnac-la-poste.fr (Haute-Vienne) ? La SNCF est-elle légitime pour prétendre à cheminot.fr (Moselle) ? Est-ce qu’un habitant de la ville de Tulle est habilité à enregistrer le nom de la préfecture de Corrèze ? Les réponses sont attendues avant le 1er juillet 2011.